L’expérience d’apprendre en ligne en pandémie : l’autorégulation des comportements multitâches de jeunes adultes de facultés d’éducation au regard de leur bien-être numérique.

Notice bibliographique

Bourgeois, C. (2024). L’expérience d’apprendre en ligne en pandémie : l’autorégulation des comportements multitâches de jeunes adultes de facultés d’éducation au regard de leur bien-être numérique [thèse de doctorat inédite]. Université de Sherbrooke.

Résumé

Cette recherche aborde le bien-être numérique des jeunes adultes qui étudient en éducation au Québec. En raison de la COVID-19, une grande partie de la population étudiante a été contrainte à réaliser des apprentissages en ligne strictement à partir de leur domicile. Ces cours transposés en ligne dans l’urgence n’ont pas été planifiés ou évalués comme une formation en ligne (CSÉ, 2021). Un tel contexte peut potentiellement déstabiliser le bien-être numérique et venir nuire à l’autorégulation des comportements multitâches (May et Elder, 2018). Ce problème de la phase de réalisation renvoie à « la mise à exécution des intentions et leur régulation protectrice face à de potentiels obstacles et distractions » (Molinari et Schneider, 2020, p. 4). Protéger l’intention d’apprendre en ligne implique des stratégies volitionnelles. Selon Dontre (2021), les personnes étudiantes font un usage limité de ces stratégies. Cette thèse part du postulat qu’une recherche qualitative permettrait d’offrir une compréhension approfondie des raisons pour lesquelles des personnes qui apprennent en ligne ne mobilisent pas de stratégies volitionnelles (Aiva et Teororescu, 2022). Le problème semble lié à une tension entre la composante hédonique et la composante eudémonique du bien-être numérique. La composante hédonique relève d’un bien-être à court terme et vise les éléments qui permettraient de maximiser le bonheur ainsi que de minimiser la douleur (Huebner et Gilman, 2002). En revanche, l’autorégulation des comportements multitâches implique des efforts sur un plus long terme et s’inscrit dans la composante eudémonique (Ryan et Deci, 2001).

L’un des postulats de la recherche est qu’une perte de sens sur la composante eudémonique se traduirait par une diminution de l’autorégulation au profit du divertissement hédonique. L’objectif général de cette thèse est de comprendre le rapport entre le bien-être numérique de jeunes adultes de facultés d’éducation et la phase de réalisation de leur processus d’autorégulation des comportements multitâches, en particulier les stratégies volitionnelles. Nous avons mené une recherche qualitative compréhensive de type phénoménologique auprès de dix personnes participantes qui ont suivi un cours en ligne durant la pandémie. La démarche d’analyse des données suit quatre étapes (Paillé et Mucchielli, 2021). Le premier temps consistait en la transcription des entrevues semi-dirigées. Dans un deuxième temps, nous avons procédé à un examen phénoménologique des données afin de cerner peu à peu l’essence de ce qui était présenté pour rédiger des récits à la première personne. Dans un troisième temps est venue l’analyse par catégories conceptualisantes. En cernant les éléments qui répondent à question de recherche dans les récits phénoménologiques, nous dégageons des catégories principales et des catégories secondaires. Enfin, suivant l’adaptation de théorisation ancrée de Glaser et Strauss par Paillé et Mucchielli (2021), nous avons identifié le phénomène central.

La mise en théorisation de la thèse illustre que le bien-être numérique se construit dans une négociation constante entre le contexte d’apprentissage et les facteurs personnels internes. Un état de bien-être résulte d’un équilibre entre les besoins individuels et les demandes des institutions (Vanden Abeele, 2021). Cet équilibre se manifeste par le souhait de contrôler le contexte d’apprentissage en ligne afin de mobiliser les stratégies volitionnelles. Au regard de nos analyses, les personnes participantes se retrouvaient à subir les contraintes du contexte. Cela se traduisait par une augmentation des comportements multitâches durant les exposés magistraux. Les stimuli du téléphone intelligent devenaient plus attrayants. À la fin de l’expérience, une grande partie des personnes participantes souhaitait un retour sur le campus. Cette recherche répond à la thématique du programme de doctorat en éducation, soit l’interrelation entre la recherche, la formation et la pratique (Université de Sherbrooke, 2021). En premier lieu, cette recherche contribue à l’avancement des connaissances scientifiques en permettant l’opérationnalisation du bien-être numérique, un concept encore peu mobilisé en éducation (Gui et al., 2017). Celle-ci offre aussi des pistes de réflexions théoriques sur l’autorégulation des comportements multitâches durant un apprentissage en ligne. Ce qu’on peut affirmer avec plus de certitude, c’est qu’un apprentissage en ligne en cohérence avec le bien-être numérique doit être actif, offrir des pauses fréquentes et favoriser des interactions. En second lieu, par rapport à la pratique, la pertinence relève de l’idée de mettre en œuvre des dispositifs qui favoriseraient le recours à des stratégies volitionnelles. Enfin, par rapport à la formation, la contribution de cette thèse cible les futures personnes enseignantes en lien avec leur compétence professionnelle « mobiliser le numérique » (MÉQ, 2020) pour qu’elles puissent éduquer leurs élèves sur les risques des technologies.

La thèse comporte des limites. La première tient à la particularité du contexte de la pandémie (INSPQ, 2022). Il est difficile de déterminer de quelle manière les résultats auraient été différents si l’apprentissage avait été davantage planifié. La deuxième limite renvoie au caractère autodéclaré des résultats. De futures recherches pourraient tenter de mesurer l’écart entre l’usage déclaré des technologies et l’usage réel. Des études seraient aussi à envisager dans une perspective comparative entre le mode synchrone et le mode asynchrone. Finalement, bien que la méthode scientifique nous offre des outils pour prendre du recul, notre rapport au numérique, c’est-à-dire les valeurs que nous attachons au numérique et à son usage en éducation (Collin et al., 2015), peut avoir influencé notre démarche, de la problématique à la mise en théorisation.

Hyperlien

https://savoirs.usherbrooke.ca/handle/11143/22203

Membres du CÉRTA impliqués

Charles Bourgeois

Centre d’études et de recherches sur
les transitions et l’apprentissage
Université de Sherbrooke
Faculté d’éducation
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Sherbrooke (Québec) CANADA J1K 2R1

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