Travail chez les jeunes pendant les études
Supeno, E., Longo, M.-E. et Lapointe-Garant, M. (2024). Travail chez les jeunes pendant les études. Recension des écrits [rapport de recherche adressé à PRÉCA, R3USSIR, RRM et Complice]. Chaire-réseau de recherche sur la jeunesse du Québec.
Par Marilyn Lacharité-Bilodeau
Étudiante au baccalauréat en orientation
La recherche présentée consiste en une recension systématique des écrits ayant pour objet le travail des jeunes pendant leurs études. Cette recherche a d’abord répertorié 19 864 documents afin de répondre à trois interrogations principales relatives au thème. Ces dernières étaient : 1) les raisons qui expliquent le choix des élèves et des étudiants à travailler durant leurs études 2) les effets du travail sur la persévérance scolaire des élèves et des personnes étudiantes qui travaillent durant l’année scolaire et 3) les stratégies ou actions mises en place par les élèves et les personnes étudiantes qui travaillent durant leurs études pour favoriser leur persévérance scolaire et les stratégies ou actions mises en place par les acteurs (parents, milieux scolaires, employeurs, gouvernement) pour soutenir/accompagner les élèves et les personnes étudiantes qui travaillent durant leurs études pour favoriser la persévérance scolaire. En fin de compte, 266 documents pertinents ont été étudiés.
En ce qui concerne la méthodologie, les critères d’inclusions étaient les suivants : la recherche traite du travail pendant les études chez les jeunes (hors emplois d’été), il s’agit d’une recherche empirique ou recension de travaux empiriques, elle a réalisé dans un pays de l’OCDE et l’échantillon concerne des élèves ou des personnes étudiantes entre 12 et 25 ans.
Les construits sont basés sur le travail des jeunes durant les études, la persévérance scolaire, les actions, les stratégies et les acteurs.
1. Pourquoi les personnes étudiantes travaillent-ils pendant leurs études ?
Les personnes chercheuses ont repéré 164 motifs incitant les jeunes à travailler qui sont regroupées en quatre catégories :
- Financières (59 motifs) : Travailler est souvent considéré comme un moyen de générer des revenus.
- Professionnelles (35 motifs) : Travailler permet d’acquérir de l’expérience professionnelle.
- Personnelles (56 motifs) : Travailler peut parfois découler de motivations personnelles ou d’un développement individuel.
- Familiales (14 motifs) : Travailler peut répondre aux attentes de la famille.
Les motifs varient en fonction du niveau d’études, avec des différences significatives entre le secondaire et le postsecondaire.
L’un des constats relève de la prédominance des motifs financiers liés au travail. Le travail est principalement considéré comme une source de revenu permettant d’atteindre d’autres objectifs. Ce motif se décline en divers sous-motifs, tels que payer ou épargner pour ses études, avoir de l’argent de poche, maîtriser son endettement, ou s’offrir un voyage.
Il est noté que financer ses études est plus présent dans les études sur les personnes étudiantes que chez les élèves, en raison des frais de scolarité et de l’autonomie résidentielle souvent nécessaire pour les études postsecondaires. Pour les élèves, on observe une dimension hédoniste (voyages, style de vie) et une dimension pragmatique (épargne pour futures études).
Enfin, certaines publications mettent en avant la nécessité de travailler pour subvenir aux besoins, tant personnels que familiaux, soulevant des questions en termes de précarité financière et psychologique. Cette nécessité pourrait être la trace d’inégalités sociales et scolaires pour les élèves touchés.
2. Quels sont les impacts du travail sur la persévérance éducative ?
Travailler un certain nombre d’heures par semaine ne nuit pas à la persévérance ni au rendement scolaire, mais une augmentation des heures de travail peut entraîner des issues défavorables. La question du nombre d’heures optimales pour travailler est difficile à trancher, sans consensus clair en raison de la diversité des échantillons et des méthodologies. La complexité des phénomènes nécessite une lecture multifactorielle. Certaines études voient le travail comme un facteur de risque pour la persévérance et le rendement, mais aussi comme un mécanisme de remobilisation et un espace de réflexion vocationnelle. Les discussions avec les personnes expertes sur place laissent envisager qu’il est donc conseillé de mettre en œuvre des actions adaptées aux contextes locaux afin de faciliter la conciliation entre travail et études.
3. Quelles stratégies adoptent les personnes étudiantes et d’autres acteurs pour promouvoir la persévérance académique ?
Stratégies des élèves et personnes étudiantes :
- Prioriser les études : compromis au niveau de l’emploi (horaires flexibles, emploi proche du campus, limiter les déplacements, employeur compréhensif).
- Prioriser l’emploi : compromis au niveau des études (baisser attentes de rendement, cours en ligne, alléger sessions).
La question de la conciliation ou confrontation des temporalités sociales (études et emploi) oblige à des arbitrages constants pour dégager des marges de manœuvre. Ces arbitrages dépendent des ressources sociales disponibles, notamment familiales (économiques, matérielles, informationnelles).
Deux enjeux centraux : le temps (maximiser la gestion) et la sécurité financière (voire alimentaire) (assurer la poursuite des études, ex. : augmentation de salaire, bourse).
Stratégies des acteurs (parents, milieu scolaire, employeur, gouvernement) :
Mise en place d’espaces de concertation entre le marché du travail et les établissements d’enseignement, avec différents degrés de formalisation. Exemples :
- Entente informelle entre élève/personnes étudiantes et employeur (calendrier scolaire et activités).
- Partenariat entre collèges et entreprises (heures limitées, entente sur horaires, frais de scolarité couverts).
- Efforts des établissements (cours du soir, en ligne, enseignement individualisé, offres d’emploi sur campus).
Ces espaces visent à concilier les temporalités sociales et à créer une interrelation entre le marché du travail et le système scolaire. Cependant, les effets sur le rendement et la persévérance scolaires ne sont pas systématiquement étudiés, sauf pour les programmes d’expérience de travail étudiant.
En résumé, la recherche offre des pistes de réflexion pour renforcer le soutien aux élèves et personnes étudiantes qui équilibrent travail et études, en encourageant des échanges et les arrangements structurels entre les parties prenantes.
Les échanges qui ont suivi cette présentation ont été particulièrement enrichissants. Les instances et organismes régionaux responsables de la persévérance scolaire ont convenu de l’importance d’établir des initiatives au niveau régional pour soutenir cet enjeu. Ils ont également souligné que l’efficacité des mesures peut varier d’une région à l’autre, comme en témoigne l’impact très fort dans certaines régions du Québec et moins d’en d’autres d’une bannière (label) pour les employeurs qui encouragent la persévérance scolaire.